Visio-veillée du vendredi Saint préparée par la pasteure Marie-Pierre Van den Bossche – 2 avril 2021 – 20h

 

Veillée jalonnée de 7 paroles écrites par Antoine NOUIS, auteur des “témoignages” des différents personnages au pied de la croix.

 

PAROLE 1

Festus, le soldat… Père, pardonne-leur

Bonsoir, je m’appelle Festus… Je suis soldat, et je suis romain.

Surtout ne croyez pas que c’est facile d’être militaire dans l’armée romaine. On reste des mois, parfois des années, sans retourner dans sa famille. De toutes les manières, le jour où je retournerai au pays, je ne saurais pas très bien où aller. Si je me suis engagé dans l’armée, c’est que je ne comptais pour personne.

Ici, en Palestine, il faut être particulièrement attentif au contact avec la population, car c’est une région sensible. Le procurateur Pilate vit d’habitude à Césarée, et il ne vient à Jérusalem que pour les fêtes religieuses, parce qu’elles attirent beaucoup de monde.

Pilate est en ville ces jours-ci parce que c’est la Pâque. Je ne sais pas très bien pourquoi les Juifs fêtent la Pâque mais ça attire du monde. Il en vient de toute la Palestine, et même de l’ensemble de l’Empire.

Hier matin ils ont jugé un agitateur. Je pensais que c’était un de ces terroristes qui cherchent à nous faire quitter la Palestine. Ils se prennent pour des patriotes, mais ce ne sont que des assassins. J’ai un ami, avec qui j’avais fait la campagne d’Égypte, qui a été tué le mois dernier par l’un des leurs. Il escortait un convoi de ravitaillement et ils sont tombés dans une embuscade.

Quand le prisonnier a été condamné à mort, on nous l’a remis pour être fouetté. Le but de la punition est de les affaiblir et les humilier afin qu’ils servent d’exemple à ceux qui auraient envie de les imiter. On attache des petits morceaux d’os et de métal au bout des lanières du fouet. Comme il paraît qu’il se prenait pour un roi, les soldats de mon unité ont fait une couronne avec des branches d’épines. On l’a posée sur sa tête et on a tapé dessus avec un roseau pour que les épines s’enfoncent. Puis on s’est moqué de lui, on l’a bousculé, et on lui a craché dessus en souvenir de notre camarade mort le mois dernier.

En vérité, je n’étais pas très à l’aise car je trouve que c’est un peu trop facile de se moquer des autres quand on est à dix contre un et qu’on est armé alors que l’adversaire est seul, nu, et qu’il a déjà subi le fouet. Mais je n’ai rien dit.

Ensuite on l’a emmené pour être crucifié. On s’était tellement bien occupé de lui qu’il ne pouvait plus porter sa croix. Alors on a requis un passant.

Arrivé en haut de la colline, on l’a crucifié avec deux autres brigands. Je ne vais pas vous raconter les clous, mais habituellement, dans ces moments-là, les crucifiés hurlent. Ils nous insultent, nous injurient, et nous crachent leur venin.

Je dis habituellement parce que, cette fois-ci, il a eu les clous… mais nous, on n’a pas eu les insultes… Il est resté silencieux. Et ce silence m’a troublé.

J’aurais préféré qu’il crie comme les autres, mais ce silence ??? Les passants, les religieux, tout le monde l’insultait… et lui se taisait. C’est comme s’il disait : Vous pouvez tuer le corps, mais vous ne pouvez rien contre l’Esprit.

Plus il se taisait et plus je le regardais. Plus il se taisait et plus j’avais le sentiment que son silence me parlait. Enfin il a ouvert la bouche. En me regardant il a dit : Père pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.

Moi j’avais de la haine pour lui et les siens, à cause de notre ami qu’ils ont tué… et lui me parlait de pardon… à moi qui avais planté les clous.

Mais s’il me pardonne lui, qu’est‑ce que je fais de ma haine moi ?

DEMANDE DE PARDON: (inspirée de

Seigneur Jésus, sur la croix tu as dit  « Père pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ».

Ton pardon est la première des paroles que tu prononces sur la croix. Peut-être ne pourrions-nous pas supporter d’écouter ce récit s’il ne commençait par ton pardon. Avant d’avoir jamais péché, nous sommes pardonnés. Nous n’avons pas à le mériter. Nous n’avons même pas besoin de regretter. Le pardon est là, il nous attend. C’est à cause du pardon que nous osons nous rappeler cet acte terrible entre tous.

Le pardon signifie que la croix devient notre nouvel arbre de vie dont le fruit nous est offert en nourriture. Le pardon signifie que nous osons regarder en face ce que nous avons fait. Nous osons nous souvenir de nos vies, avec leurs échecs et leurs défaites, avec nos actes de cruauté et nos manques d’amour.

Seigneur-Jésus nous te demandons pardon pour les millions d’hommes que nous crucifions chaque fois que nous nous laissons aller à la haine, à la lâcheté, à l’indifférence. 

Seigneur Jésus, durant toute ta vie terrestre tu invites tes disciples à pardonner eux-aussi à  aux autres. Cela nous paraît impossible parfois tant l’effroi ou la haine nous emplissent le coeur. Or, toi qui si souvent pardonnait à des personnes rencontrées, c’est étonnant de te t’entendre dire, cette fois, « Pardonne-leur… » en t’adressant au Père, comme si tu ne t’en sentais pas capable personnellement.

Seigneur-Jésus, toi qui nous rejoins dans notre fragilité humaine, pardonne quand pardonner me semble impossible et apprends moi la vraie miséricorde.

Amen

PAROLE 2

JONATHAN, LE ZÉLOTE… AUJOURD’HUI, TU SERAS AVEC MOI

Bonsoir, je m’appelle Jonathan…. Et aujourd’hui, je suis condamné à mort. C’est l’heure du grand rendez-vous avec Adonaï, l’heure où on solde les comptes de toute une vie. Jusqu’à ce matin, j’étais sûr de moi, mais maintenant, je ne sais plus très bien.

Si je meurs sur une croix, c’est pour le service de mon Dieu. Je ne suis pas un criminel qui attaque les gens pour les voler. Je suis un militant politique, un patriote. Je suis zélote.

Quand j’étais enfant, mon grand-père racontait qu’il se souvenait du temps où Israël avait une certaine indépendance. Il parlait aussi du jour funeste où les troupes romaines sont arrivées à Jérusalem. Leur chef Pompée est entré à cheval dans le sanctuaire, et il a fait tuer 12000 Juifs dans le Temple. Tout ça pour dire que la haine des Romains, elle est en moi depuis que je suis enfant.

Une fois adulte, je suis d’abord devenu pharisien. Mais après un moment je me suis dit que je ne pouvais pas me contenter d’attendre passivement la libération de Dieu, et qu’il fallait passer à l’action. Depuis Moïse nous savons que nous devons être les agents de notre liberté.

J’ai donc quitté le village et j’ai rejoint la clandestinité. Nous sommes organisés en bandes et nous avons trouvé refuge dans les montagnes. Parfois nous organisons des actions de commando.

La semaine dernière, nous sommes tombés dans un piège. Nous avions repéré une caravane qui traînait un groupe d’esclaves. Nous les avons attaqués, mais les esclaves étaient des soldats déguisés. J’ai été fait prisonnier avec Baruch, un autre patriote.

Je connais le sort réservé aux zélotes et je ne me faisais aucune illusion… J’avais déjà assisté à des crucifixions. Mais quand c’est dans vos propres mains et dans vos pieds que les clous sont plantés… (silence).

Le troisième crucifié est quelqu’un que je ne connais pas. Sur sa croix on a écrit : « Jésus, le roi des Juifs ». Je ne sais pas de qui il était le roi, mais vu la façon dont il a été fouetté, ce devait être quelqu’un d’important. C’est probablement le chef d’une autre bande. En tout cas il ne manque pas de courage car il ne dit pas un mot…

En fait, il m’impressionne par sa dignité. Il a regardé les soldats romains, et il a dit : Père pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. Je n’ai pas compris ce qu’il voulait dire. Je sais bien qu’Adonaï est miséricordieux… mais pas pour les Romains, les ennemis de son peuple ! S’il ne montrait pas tant de courage, je le prendrais pour un fou. Qui est-il donc pour demander à Dieu de pardonner à ceux qui lui font du mal ?

C’est alors que Baruch a commencé à l’interpeller : Si tu es le roi des Juifs, pourquoi ne fais-tu rien ? Plutôt que de demander à Dieu de pardonner à ces salauds de Romains, tu ferais mieux de lui dire de nous sortir de là. J’étais scandalisé, alors j’ai arrêté Baruch : Tais-toi. Tu ne crains donc pas Dieu pour t’exprimer ainsi ?

Baruch s’est tu et j’ai regardé celui qu’on appelle Jésus… j’ai vu une lumière dans ses yeux. Et dans cette lumière, il y avait une paix… qui ne pouvait venir que d’Adonaï. Je me suis senti tout petit à côté de lui.

Du plus profond de ma misère a germé un sentiment étrange, mais comment l’exprimer ? Je lui ai simplement dit : Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne. Il m’a regardé, et après un moment de silence il a dit : En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis.

Je ne sais pas très bien qui il est, mais quand je l’écoute et que je regarde sa dignité, je me demande si notre haine des Romains… n’est pas une impasse.

Car après tout s’il m’accueille moi… pourquoi pas eux ?

ACCUEIL DU PARDON

Seigneur-Jésus,

Au coeur de la souffrance la plus terrible, tu te laisses secourir, défendre par un autre, un inconnu, un malfaiteur…

Toi, le Fils de Dieu, tu t’es abaissé pour qu’il nous soit permis de protéger, comme on protège un enfant.

Alors, nous pouvons percevoir le torrent d’amour qui jaillit de tes yeux éperdus de reconnaissance.

Je crois en ton pardon qui viens me rejoindre quand tout paraît perdu.

Je crois en ce paradis où tu m’as promis que je te rejoindrai.

Ce paradis, tu me le donnes dès maintenant, c’est le pardon, c’est notre paix.

Ce paradis, c’est ta grâce qui coule comme un fleuve.

Amen

PAROLE 3

JEAN, LE DISCIPLE… VOICI TA MÈRE… VOICI TON FILS

Bonsoir, je m’appelle Jean… Je suis un de ceux qui ont suivi Jésus depuis le début. Je crois que j’ai eu une relation privilégiée avec lui. Quand il parlait de sa mission et de ses projets, il s’adressait surtout à Pierre, mais quand il voulait partager un fardeau ou un souci pour une personne, c’est avec moi qu’il parlait le plus volontiers.

Hier, nous avons partagé son dernier repas. Quand tous les disciples étaient autour de la table, il s’est levé, il a pris un linge et une cuvette, il s’est agenouillé et il nous a lavé les pieds. Et puis il a commencé à parler de son départ et d’un esprit de consolation qui viendrait sur nous. J’ai compris que le dénouement était proche mais jusqu’au dernier moment, j’ai espéré une autre fin.

Après le repas, nous l’avons accompagné au mont des Oliviers. Il s’est agenouillé, et sa prière est devenue un combat. Moi aussi j’ai prié, mais une fois que j’avais demandé à Dieu de le soutenir, je ne savais plus très bien que dire… J’ai essayé de persévérer, mais la fatigue a été la plus forte et je me suis endormi. C’est lui qui nous a réveillés en disant : Pourquoi dormez-vous ? Levez-vous, priez afin de ne pas tomber en tentation.

Il n’avait pas fini de parler qu’on a entendu du bruit, une troupe approchait. C’était les gardes du Sanhédrin, le tribunal religieux, conduit par… Judas, l’un des nôtres. Nous étions prêts à défendre Jésus, mais il nous en a empêchés. Il s’est offert, et ils l’ont emmené pour être jugé.

Quand le Sanhédrin l’a envoyé à Pilate, j’ai compris qu’il n’y avait plus d’espoir. Le seul souci du procurateur romain est d’avoir la paix et je sais qu’il n’aura pas le courage de s’opposer aux religieux.

Comme Marie, la mère de Jésus, est en ce moment en ville, j’ai tout de suite pensé à elle et j’ai couru la rejoindre. Contrairement à mes craintes elle n’était pas seule, d’autres femmes étaient là. Marie venait d’être informée de la parodie de justice chez Pilate et de la condamnation de son fils. En ce moment-même il était sur le chemin qui conduit au mont du Crâne. Elle a gardé le silence un moment, comme pour prendre des forces, puis elle s’est levée, et elle a dit qu’elle aussi, allait gravir la colline. J’ai essayé de l’en dissuader pour lui épargner le spectacle de la croix, mais elle n’a rien voulu savoir. Elle voulait voir son fils une dernière fois.

En route, elle m’a parlé. Elle m’a raconté la présentation de Jésus au Temple, quand il était un simple nourrisson. Il y avait là un vieux sage appelé Siméon qui a prononcé d’étranges paroles. Il lui a dit : Marie… une épée te transpercera le coeur. À l’époque, elle n’avait pas compris ce qu’il voulait dire, mais maintenant… elle comprenait trop bien.

Quand on est arrivé au mont du Crâne, les croix étaient déjà dressées. En nous voyant venir la foule s’est tue. Elle s’est ouverte pour nous laisser passer, et on s’est retrouvé aux pieds de Jésus. On est resté un moment en silence… on n’avait pas besoin de mots pour se parler. Jésus a regardé Marie et lui a dit : Femme, voici ton fils. Puis il a tourné son regard vers moi et a dit : Voici ta mère. J’ai posé la main sur l’épaule de Marie, et j’ai hoché la tête.

Malgré le mal, l’obscurité, la violence et l’injustice, j’ai eu à ce moment-là la certitude que c’est lui qui avait raison… et que son combat était le bon.

Aujourd’hui la mort semble triompher, mais il m’a appris qu’aussi fort que la mort… il y a l’amour. Et l’amour nous appelle à continuer notre chemin, même au milieu des ténèbres et de l’oppression. Cet amour qu’il m’a appris, aucune croix ne pourra l’enlever de mon coeur.

QUE TA VOLONTÉ SOIT FAITE

Seigneur Jésus,

Comme Marie, comme Jean, nous voici au pied de la croix où tu es cloué, abandonné de tes amis. Tu avais dit : « Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère. » Alors, en confiant cette femme et cet homme au soin l’un de l’autre, tu recrées cette famille qui est la tienne, née de la chair et de l’Esprit et tu nous invites à faire de même.

Seigneur Jésus,

Tu nous invites à être tes frères, tes sœurs et ta mère et à nous accueillir les uns les autres. C’est à l’amour que nous aurons les uns pour les autres que l’on nous reconnaitra comme tes disciples. Par ton Esprit, donne-nous le désir d’accomplir ta volonté.

Mais que serait ton Église si elle n’était comme Marie et Jean au pied de ta croix, auprès de tous ceux qui souffrent, de tous les martyrs, de tous les persécutés, de tous les abandonnés ? « Tout ce que vous faites aux plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites. ». Par ton Esprit, donne-nous le courage d’accomplir ta volonté.

Amen.

PAROLE 4

CLAUDIUS, LE CENTURION… POURQUOI M’AS-TU ABANDONNÉ ?

Bonsoir, je m’appelle Claudius, et je suis centurion dans l’armée romaine.

Il y a des moments dans la vie où on n’est pas très fier de soi. Je peux toujours me dire que je ne suis qu’un officier qui a obéi aux ordres, il n’empêche qu’au tribunal de ma conscience, je ne me sens pas très propre.

Comme je suis responsable de la sécurité à Jérusalem, je suis obligé de savoir ce qui se passe en ville. J’ai un réseau d’indicateurs qui me tiennent informé. Les rapports sur le Nazaréen disaient tous la même chose : c’était un idéalistequi n’était pas très dangereux pour l’autorité romaine que je représente. Tout ça pour dire que lorsque j’ai reçu l’ordre de présider sa crucifixion, ça m’a un peu étonné. Mais je me suis dit que Pilate devait avoir ses raisons.

Quand je l’ai vu, mes soldats s’étaient déjà sérieusement occupés de lui, et j’ai eu un peu honte de la façon dont il avait été traité. J’ai tout de suite requis un passant pour porter sa croix. Je vais vous faire un aveu : je ne suis pas sûr que la terreur soit le meilleur moyen de gouverner les populations étrangères. Si un jour les Juifs se révoltent, il faudra défendre l’ordre romain, mais on l’aura un peu cherché.

Arrivés au lieu du Crâne, la foule était déjà là pour assister au supplice. Je n’ai jamais compris ce qu’il y avait d’attirant dans le spectacle des crucifiés. Qu’y a-t-il donc au fond de l’homme pour qu’il aime entendre des condamnés hurler leur haine et leur douleur ?

Mes soldats ont déshabillé les condamnés, et nus, ils les ont cloués. Quand les croix ont été dressées, ils ont joué aux dés la tunique du Nazaréen. Elle est tachée de sang, mais son étoffe est fine et elle est tissée d’une seule pièce.

À la différence des deux autres condamnés, Jésus ne criait pas et n’insultait personne. Il faisait preuve d’un courage qu’en tant qu’officier romain je savais apprécier à sa juste valeur.

À midi, il a commencé à faire de plus en plus sombre. Comme si la nuit venait poser son manteau sur la terre pour réclamer son dû ! L’atmosphère était lourde, pesante.

C’est alors que le Nazaréen a dit d’une voix forte : Eloï, Eloï, lama sabachtani ? Il y a eu un frisson dans la foule. J’ai demandé à un Juif de me traduire ce qu’il venait de dire. Il m’a répondu que c’est le premier verset d’un Psaume qui dit : Mon Dieu, mon Dieu,

pourquoi m’as-tu abandonné ?

J’étais bouleversé. Lui… abandonné de son Dieu… Comment est-ce possible ? Jusqu’où descendra-t-il donc ? Il a encore dit deux ou trois mots, puis ses jambes se sont relâchées, ses bras se sont tendus, et j’ai compris que c’était la fin. Pendant quelques secondes la terre a tremblé, comme si les enfers s’ouvraient pour mieux accueillir cet homme rejeté de tous… et même de son Dieu.

Des crucifixions, j’en ai présidé plusieurs, mais celle-là était différente. Jamais personne n’est mort comme le Nazaréen. Ça n’a aucun sens, mais je suis sûr que cet homme était plus qu’un prophète. Je crois vraiment qu’il était fils de Dieu. Ne me demandez pas pourquoi un Dieu a été torturé entre deux malfaiteurs ? Je n’en sais rien. La seule chose que je sais, c’est que cette croix… je ne suis pas prêt de l’oublier.

Et même si je dois chercher longtemps, je finirai par trouver ce qu’elle veut dire.

Intercession – notre père

Seigneur Jésus, toi qui as plongé dans la nuit la plus noire, par amour pour chacun de nous, nous voulons te confier…

Tous ceux qui te cherchent à tâtons dans la nuit et qui peinent à te trouver, et aussi tous ceux qui t’ont trouvé et qui néanmoins traversent un désert spirituel, nous voulons te confier…

Tous ceux qui traversent la nuit du doute et du désespoir en raison de l’oppression, de la persécution tous les tyrans, les bourreaux, les jaloux et revanchards et aussi tous les assoiffés de justice. 

En cette période de covid et de précautions sanitaires, nous voulons te confier…

Tous ceux que la maladie, la solitude ou le sentiment d’abandon plonge dans la nuit… 

Tous ceux qui les y rejoignent pour les écouter, les soutenir, les soigner, les délivrer…

Toutes les personnes qui agonisent dans la solitude

Tous leurs proches qui ne peuvent vivre avec eux ce moment d’au-revoir

Et tous les endeuillés mal consolés…

En cette période de covid et de précautions sanitaires, nous voulons te confier…

Tous les étudiants éprouvés par la solitude, tous les professionnels auxquels le chômage est imposé, toutes les personnes qui, du jour au lendemain, se retrouvent sans revenu et toutes les personnes dont les conditions de pauvreté sont multipliées, nous voulons aussi te confier…

Cette planète qui est la nôtre, si belle, mais aussi si fragile, tous ceux qui l’exploitent sans vouloir penser à demain et tous ceux qui tentent de la sauvegarder de la catastrophe, nous voulons aussi te confier…

Tous les contemplatifs, qui se tiennent debout dans la nuit en ta présence ; et nous-même, pécheurs, qui dans la nuit avançons vers la lumière de ton jour sans déclin, 

Enfin, nous voulons te confier toutes nos prières en adressant à ton Père, la prière que tu nous as apprise : Notre Père… 

PAROLE 5

NÉRÉE, LA SAMARITAINE… J’AI SOIF

Bonsoir, je m’appelle Nérée, et je suis Samaritaine.

Si je suis venue à Jérusalem, ce n’est certainement pas pour assister à une crucifixion, mais pour écouter Jésus que j’ai rencontré un jour au bord d’un puits.

Je me souviens parfaitement de cette journée, à Sychar, en Samarie. À cette époque, j’étais perdue. J’en étais à mon cinquième mari, et je ne savais plus ce qui était vrai et faux, je ne faisais plus la différence entre le bien et le mal, le droit et le tordu.

Ce jour-là, il y avait un soleil de plomb et, à midi j’étais sortie chercher de l’eau au puits de Jacob. Il était là, assis sur la margelle. Il avait soif et m’a demandé de l’eau. J’étais étonné qu’il ose m’adresser la parole, car il était Juif et moi Samaritaine.

Nous avons engagé la conversation et il m’a parlé d’une eau vive, d’une eau qui étanche notre soif en vérité… toutes les soifs, même les plus profondes. J’ai vite compris qu’il ne parlait pas seulement de l’eau du puits, mais d’une autre source plus intime.

Voyant qu’il n’avait pas peur de me parler, je l’ai interrogé sur la différence entre les Juifs et les Samaritains.

On m’avait expliqué que nous, les Samaritains, nous devons adorer Dieu dans le sanctuaire du mont Garizim, alors que les Juifs le font dans le Temple de Jérusalem. Il m’a répondu que ces différences n’ont pas beaucoup d’importance car Dieu est Esprit. Il vient habiter le cœur de ceux qui ont soif.

J’ai été bouleversée par ce Jésus qui faisait sauter les barrières entre les Juifs et les Samaritains, les hommes et les femmes, les maîtres et les esclaves.

Pour lui, la seule vraie question qui mérite d’être posée est : Quelle est ta soif ? Quelle est ta source ?

Lorsque j’ai appris qu’il allait à Jérusalem, j’ai décidé de l’y rejoindre mais je suis arrivée trop tard. Il avait déjà été arrêté, et même condamné.

Je me suis renseignée pour connaître les motifs de son arrestation, on m’a répondu qu’ils sont plutôt flous. On porte sur lui l’accusation absurde de vouloir détruire le Temple… Il paraît qu’il y a quelques jours, il a fait un joli scandale en renversant les tables des changeurs du Temple et en chassant les vendeurs.

Pour moi, ce qui est clair, c’est que le Nazaréen est allé jusqu’au bout de sa parole. Ce n’est pas dans le Temple qu’il faut adorer Dieu… Il a abattu les barrières de religion, pour qu’on puisse l’adorer… en vérité. À cause de cette Parole, aujourd’hui, il meurt sur une croix.

Je suis en face de cet homme qui est torturé pour être allé jusqu’au bout de sa vérité. Je le regarde, et je me souviens qu’il est le premier à avoir posé sur moi un vrai regard d’amour, sans convoitise ni arrière pensée.

J’ai soudain l’impression qu’il m’a remarquée dans la foule qui est à ses pieds… mais il est exténué. En me regardant il murmure un simple mot : J’ai soif. Il y a là une cruche remplie de vin aigre. Je prends une éponge, je l’imbibe, je la donne à un soldat qui la pique au bout d’une branche et lui donne à boire. Mon geste est dérisoire car il va mourir… mais pour moi il est le signe de tout ce qu’il m’a donné.

La première fois qu’il m’a demandé à boire, au puits de Jacob, ça a été l’occasion d’un recommencement dans ma vie. Aujourd’hui encore il a soif, à cause de la cruauté des hommes, et des barrières imbéciles que les religieux ont élevées entre Dieu et ses enfants. Cette soif-là, c’est aussi la mienne.

Comme une source jaillissante (jacques musset, la source cachée, p70)

 Ô source inconnue de mon désir, comme je te suis reconnaissante ! 

Tu n’as jamais cessé de jaillir en mes profondeurs, aux jours de soleil brûlant, aux heures interminables de marche au désert, au temps arrêté de fatigue et de désarroi.

Je t’ai parfois ignoré pour aller me désaltérer à d’autres sources.

Je n’ai trouvé que des trous d’eau croupissants. 

Toi, tu m’attendais au cœur de moi-même, pour étancher ma soif.

Et tu m’attends toujours, au rendez-vous du silence, des évènements et des rencontres.

Puissé-je revenir sans cesse vers toi !

PAROLE 6

NICODÈME, LE PHARISIEN… TOUT EST ACCOMPLI

Bonsoir, je m’appelle Nicodème et je suis pharisien. Qu’il est difficile, quand on est pharisien, de découvrir qu’on s’est trompé ! Cela fait des années, des décennies que je fais des efforts pour vivre selon notre loi, et aujourd’hui, je me rends compte que je suis passé à côté de l’essentiel.

Tout a commencé il y a quelques mois, quand le Nazaréen était de passage à Jérusalem. J’étais intrigué par cet homme et son message. J’étais surtout impressionné par son attitude. Ce n’était pas qu’un prédicateur de talent, il rencontrait les gens, il priait avec eux et les guérissait de leurs infirmités.

Je suis donc allé le voir, la nuit, le plus discrètement possible. Je ne voulais pas que les gens de la synagogue sachent que je lui avais parlé. Je l’ai interrogé sur ses miracles et il m’a tout de suite répondu quelque chose que je n’ai pas compris : il faudrait naître de nouveau pour vivre le royaume de Dieu. Naître de nouveau ? A mon âge, je ne peux plus faire abstraction de mon passé ni de mon expérience de la vie ! Il m’a aussi parlé de l’Esprit qui est comme le vent qu’on ne peut enfermer dans aucun système, aucune pensée.

Lorsque j’ai quitté Jésus, j’avais écouté ce qu’il disait mais je ne l’avais pas entendu. Je restais avec mes interrogations. Pour moi, l’essentiel… ce n’était pas une question de nouvelle naissance, mais de connaissance de la Torah et d’obéissance. Comme j’avais du respect pour le Nazaréen et que je connaissais les sentiments des religieux à son égard, je lui ai conseillé de quitter Jérusalem et de rester en Galilée.

Mais il a fallu qu’il revienne et ce que je craignais est arrivé ; il a été emmené par les hommes du Sanhédrin. Je suis tout de suite allé voir Caïphe, le Grand Prêtre, pour exiger qu’il ait un procès juste et équitable. Caïphe m’a répondu que cette affaire l’ennuyait beaucoup. Les relations avec les Romains sont particulièrement tendues en ce moment. Il a fait arrêter le Nazaréen pour le faire taire, afin d’apaiser les tensions. Dans les situations de crise, le rôle du Sanhédrin est de protéger ce qui peut encore l’être.

Caïphe m’a expliqué que lui-même avait plutôt de la sympathie pour ce prophète mais que sa fonction lui demandait de rechercher le plus grand bien. S’il le fallait, ne valait-il pas mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que la nation tout entière soit épargnée ?

Autant dire que ces propos ne m’ont pas vraiment rassuré. Mais quand j’ai appris la façon dont le procès s’est déroulé, j’ai été profondément meurtri. C’est la raison pour laquelle je suis monté, moi aussi, au Mont du Crâne. Ce n’est pas que je doive me justifier, je n’aime pas les crucifixions. Mais le Nazaréen reste pour moi une question.

Quand je l’ai vu humilié, frappé, insulté, méprisé, j’ai tout de suite pensé à ce que disait le prophète au sujet du serviteur de Dieu : Ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’est chargé… Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. Alors que je pensais à ce passage des Écritures, Jésus a dit : Tout est accompli. Comme si sa mort n’était pas qu’une pure injustice, mais qu’elle était aussi un aboutissement ! C’est à ce moment-là que tout est devenu     limpide : C’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris… Le Nazaréen… c’est lui le serviteur dont parle Ésaïe… envoyé pour porter nos souffrances et nous donner la paix.

Pourquoi a-t-il fallu sa mort pour que je comprenne enfin ce qu’il disait ouvertement de son vivant ?

Confession de foi: Philippiens 2.6-11

 

LUI qui était vraiment divin, il ne s’est pas prévalu d’un rang d’égalité avec Dieu, mais il s’est vidé de lui-même en se faisant vraiment esclave, en devenant semblable aux humains ; reconnu à son aspect comme humain, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort – la mort sur la croix.

C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a accordé le nom qui est au-dessus de tout nom, pour qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue reconnaisse que Jésus-Christ est le Seigneur à la gloire de Dieu, le Père.

Amen

PAROLE 7

MARIE DE BÉTHANIE… PÈRE, ENTRE TES MAINS, JE REMETS MON ESPRIT

Bonsoir, je m’appelle Marie, et je viens de Béthanie.

Parfois, il faut attendre la fin d’une histoire pour en saisir le sens. Aujourd’hui un livre se ferme. Sa fin est cruelle, mais je sais qu’elle n’est pas absurde.

Je me souviens de la première fois que j’ai rencontré Jésus. Il s’était arrêté à la maison pour se reposer. En attendant le dîner, il parlait et moi je l’écoutais. Il vivait une vraie passion de Dieu, mais il avait en même temps une grande compassion et une profonde douceur. Je ressentais que tout ce qu’il disait était vrai. Jamais personne ne m’avait parlé comme cet homme.

Depuis, chaque fois qu’il montait à Jérusalem, il faisait une halte à la maison. Il y a quelques jours, ils étaient à table et ses disciples parlaient entre eux. Ils pensaient que c’était maintenant le temps de Dieu. Ils sentaient que l’accomplissement était proche. Jésus allait purifier le Temple et libérer Israël.

Je ne disais rien mais leurs discours m’ennuyaient. J’avais écouté Jésus et je savais que son Royaume n’était pas de ce monde. Quand il en parlait, il disait qu’il était pour les pauvres de coeur et que ce sont les petits, les infirmes, les boiteux et les aveugles qui occuperont les premières places.

Je voulais parler, mais je ne savais pas comment exprimer ce qui était en moi. Alors, sans réfléchir, je me suis levée, j’ai pris un flacon de parfum de nard pur, je me suis agenouillée devant Jésus. J’ai versé le parfum sur ses pieds et je les ai essuyés avec mes cheveux.

Les disciples n’ont pas compris mon geste. Judas a même fait une remarque sur le prix du parfum qui aurait pu aider les pauvres. Jésus, lui, a compris. Il a répondu à ses disciples : Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours.

Le lendemain, ils sont partis pour Jérusalem et les événements se sont précipités. Il a été arrêté, jugé et condamné par le Sanhédrin, puis par Pilate. Quand j’ai appris qu’il serait crucifié, je suis montée à Jérusalem… J’étais terrorisée. En chemin, j’essayais de raisonner le tumulte qui bouillonnait en moi. Je me suis souvenue qu’il avait dit : Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul. Mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits.

Quand je suis arrivée au lieu du Crâne, la croix venait d’être dressée. Je suis restée à ses pieds pendant son agonie. J’ai recueilli ses dernières paroles.

J’ai été bouleversée par la demande de pardon pour les soldats qui l’ont cloué au bois.

Je l’ai entendu dire une dernière parole d’accueil pour un brigand qui partageait sa croix.

J’ai été émue par la parole d’amour qu’il a échangée avec Marie sa mère, et avec son disciple Jean.

J’ai habité ses ténèbres lorsqu’il a hurlé à Dieu : Pourquoi m’as-tu abandonné ?

J’ai partagé son désert quand il a crié : J’ai soif.

J’ai compris que la fin était proche quand il a dit : Tout est accompli.

Il a encore ajouté une dernière parole : Père, je remets mon esprit entre tes mains. Puis il est mort.

C’est à ce moment-là que j’ai compris mon geste, lorsque j’ai versé le parfum sur ses pieds. Il est mort, et pourtant il n’a jamais été aussi fort, aussi grand… Il n’a jamais été aussi vrai. Cette mort est une folie, mais la folie de Dieu est plus sage que la sagesse des sages. Cette mort est un scandale, mais le scandale de Dieu renverse les puissances des puissants.

Il est mort, mais dans mon coeur il n’a jamais été aussi vivant.

Je suis face à sa mort, et jamais je ne me suis sentie aussi vivante.

Conduis- moi (J.H.Newman)

 

Conduis-moi, douce lumière,

A travers les ténèbres qui m’encerclent.

Conduis-moi, toi, toujours plus avant !

Garde mes pas : je ne demande pas à voir déjà

Ce qu’on doit voir là-bas : un seul pas à la fois

C’est bien assez pour moi.

Je n’ai pas toujours prié

Pour que tu me conduises, toi, toujours plus avant.

J’aimais choisir et voir mon sentier ;

Mais maintenant :

Conduis-moi, toi, toujours plus avant !

Si longuement ta puissance m’a béni !

Sûrement elle saura encore

Me conduire toujours plus avant

Par la lande et le marécage,

Sur le rocher abrupt et le flot du torrent

Jusqu’à ce que la nuit s’en soit allée

Conduis-moi, douce lumière,

Conduis-moi, jusque dans la nuit !

Amen

Temps de recueillement,

dans une prière personnelle qui préludera l’absence, le silence du samedi saint.

Facebooktwittermail

Commentaires fermés.